Churchill et De Gaulle, deux écrivains en concurrence

Incroyable que Churchill et De Gaulle n’aient jamais été statufiés en situation d’écrire! Car si l’un et l’autre continuent à dominer leur siècle en héros absolus, ils le doivent aussi à leur qualité d’écrivain. Au sens plein du terme qui exclut l’hypothèse de l’auteur de circonstance porté par des événements si grands et si hauts qu’ils ne pouvaient inspirer de médiocres écrits. De véritables écrivains. Sauf que l’un a été fait prix Nobel de littérature en 1953 et pas l’autre. Cherchez l’erreur. La récente publication du premier tome des Mémoires de guerre (440 pages, 29 euros,Tallandier) de Winston Churchill est l’occasion d’y revenir.
Dans sa présentation, François Kersaudy rappelle qu’ils sont le fruit d’un travail d’équipe. En cinq temps: des assistants ont effectué des recherches, puis ils ont interwievé le grand homme avant de décrypter ses souvenirs pour les lui présenter afin qu’il les churchillise en y mettant sa patte à coups de rature, de paperolles et d’allongeails où l’on reconnaît parfois un souffle, un humour et une cadence qui lui ressemblent; et le tout fut envoyé à une quarantaine d’officiers, diplomates, historiens, parlementaires pour correction puis à des proches et des royals pour censure. C’est à un atelier de nègres qu’il eut fallu décerner le Nobel!
On a longtemps dit que dans le choix des cadémiciens suédois, la politique l’avait emporté sur la littérature; mais depuis quelques années, il est de bon ton, des deux côtés de la Manche, de redresser la barre afin de placer le mémorialiste Churchill, également auteur il est vrai de nombreux volumes historiques, au même niveau que le mémorialiste De Gaulle, en lui empruntant jusqu’à son titre dans l’édition française (The Second World War était le titre original).